Autrefois, j'ai bien connu une vieille dame que j'aimais beaucoup.
De vieille catholique traditionnelle, elle était passé vers l'âge de 60 ans au renouveau charismatique au grand désespoir de son fils, passant ainsi d'une vie de bourgeoise aisée à une vie en communauté dans un appart au coeur d'une Zup.
C'était une vieille dame indigne, originale, têtue et même bornée dans ses convictions, profondément convaincue qu'elle servait Dieu et les hommes, et donnant ainsi de son temps et de son argent sans compter.
Je l'ai connu lors de ma période spirituelle où j'ai évolué ainsi entre église baptiste, renouveau charismatique et église pentecôtiste à la recherche d'une vérité que j'ai parfois cru trouver et que j'ai renoncé ensuite à chercher. En réalité, j'ai surtout rencontré des hommes et des femmes soudés par des croyances et des convictions comme dans tout groupe humain et j'y ai découvert leur travers et leur limites, voire leur aberrations non assumées. J'ai sans doute aussi fait un voyage à la recherche de moi-même.
Comme j'arrive quand même à garder la tête froide et à ne jamais perdre mon droit à la reflexion , à la critique et à la remise en cause, dans ces communautés,soit je me suis sauvée, soit je me suis faite virer, car dans certains groupes, que dis-je, dans tous, l'esprit de corps prime à la reflexion même constructive.
Bref, bien que je ne sois pas restée dans le renouveau charismatique, je suis restée amie avec Mamie Jeanne jusqu'à sa mort.
Lorsqu'elle a commencé à vieillir un peu trop, qu'elle avait froid lorsqu'on laissait des portes ouvertes, qu'elle ne pouvait plus suivre le rythme des longs week-end d'évangélisation, "le Seigneur" a soufflé au "berger" qu'elle ne pouvait plus rester dans la communauté qui avait pour vocation "l'évangélisation".
Et, le berger, mû par l'"Esprit Saint" a convaincu Mamie de debarrasser le plancher. Et ,PERSONNE , dans la communauté, n'a critiqué cette décision. C'est à dire, t'es vieille, tu ne sers plus à rien, nous, nous devons annoncé l'amour du Seigneur. Je pense qu'on lui a soufflé que c'était elle qui pensait qu'elle devait partir, que c'était la volonté de Dieu.
Ce fût , alors, pour Mamie, un long chemin de souffrance , d'abandon et de solitude.
Je pense qu'elle avait aimé le prêtre qui était berger de la communauté comme un fils.
Elle avait d'ailleurs perdu un de ses fils d'une tumeur au cerveau , il avait six ans. Peut-être avait-elle reporté ce vide affectif sur ce prêtre ?
En tout cas, elle est passé d'une vie où elle voyait énormément de monde à une solitude extrême dans la petite maison qu'elle avait gardé.
Peu de gens venaient la voir. Elle n'était pourtant qu'à une soixantaine de kilomètres de Lens où était cette communauté.
Je lui compte trois ou quatre ami(e)s qui lui ont été fidèles.
Mais, le prêtre qu'elle avait tant soutenu et aidé, n'est pratiquement jamais venu la voir et il n'est même pas venu à son enterrement.
Un jour, que j'étais allé voir Mamie chez elle, elle me dit : "Losque je mourrais, je veux qu'on danse autour de ma tombe, car, je serai auprès du Seigneur, ça doit être un jour de joie."
Et, j'ai répondu : " Ne compte pas sur moi, car le jour où tu partiras, j'aurais de la peine, car j'aurais perdu une amie. Et, c'est tout .Et, je ne danserai pas autour de ta tombe."
D'ailleurs, à son enterrement, il n'y avait presque personne des gens avec qui elle avait vécu pendant des années (trop occupés sans doute à servir "le Seigneur").
Quand nous sommes arrivées moi et Christine,une autre amie fidèle, nous avons cru nous être trompées d'enterrement. Il n'y avait presque personne en dehors de sa famille et la cérémonie fut austère, rien à voir avec l'exubérance du renouveau.
Enseignante toutes les deux, nous avions dû demander une autorisation d'absence exceptionnelle pour assister à la cérémonie. Les autres ne s'étaient, semble-t-il, pas donné cette peine.
Je pense encore souvent à elle. Elle avait aussi beaucoup d'humour, une bonne nature et un sâle caractère, mais quand elle aimait les gens, c'était sincère et vrai.
A Dieu, Mamie Jeanne ! Si tu avais raison et s'il existe ?